Il s'agit ici d'une analyse volontairement partielle sur le thème de la portée des arrêts des Cours européennes (Cour de justice des Communautés européennes et Cour européenne des droits de l'homme) sur le droit interne. On se concentre sur la notion de l'autorité des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme (Cour de Strasbourg) car c'est elle qui provoque le plus grand nombre des malentendus. La question connexe (autorité des arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes-Cour de Luxembourg) ne sera examinée que de manière schématique et par analogie à la solution proposée en droit européen des droits de l'homme. On espère ainsi offrir une meilleure lisibilité de la portée des arrêts européens en droit interne tout en évitant d'être redondant. L'idée sous-jacente qui anime la présente démarche est que la Cour de Strasbourg, tout comme la Cour de Luxembourg[1], a un pouvoir « de pleine juridiction » : ceci signifie qu'elle apprécie le comportement d'un Etat dans un cas déterminé et par la même elle précise les exigences du droit européen en question. Mais la conséquence première de l'acte juridictionnel - son autorité - mérite une redéfinition en droit de la Convention européenne des droits de l'homme (la Convention)[2] et ceci à la lumière de la jurisprudence des années quatre-vingt dix de la Cour européenne des droits de l'homme. La solution avancée - l'autorité du précédent - répond parfaitement au besoin de prendre en considération ce pouvoir « de pleine juridiction » qui est le propre des juridictions européennes tout en étant respectueuse de l'exigence de la sécurité juridique (II). Le mécanisme du précédent, transposé en droit européen des droits de l'homme, permet de dissiper la confusion actuelle qui règne quant à l'autorité des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme (I).
[1] V. P. Pescatore in Traité instituant la CEE, Commentaire article par article, sous la direction de V. Constantinesco, R. Kovar, J.-P. Jacqué et D. Simon, Economica 1992, p. 1073 et s., spéc. p. 1109. Selon le juge Pescatore : « Saisie d'un recours en manquement, la Cour exerce, en quelque sorte, un pouvoir de « pleine juridiction » en ce sens qu'il lui appartient simultanément de déterminer les exigences du droit communautaire et d'apprécier les comportements de l'Etat membre concerné ».
[2] Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (Rome, 1950).