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4. La Fédération européenne et la quadrature du cercle

On en revient alors à notre question de départ: comment rendre les institutions communautaires, plus simples plus transparentes, plus efficaces, plus démocratiques, plus accueillantes pour les candidats, plus efficaces à 30 qu'à 15, tout en permettant de progresser sur la voie de l'intégration et en conservant intacts les Etats-nations? Une doctrine récente, s'inspirant des idées de Carl Schmitt sur le « pacte fédératif » et représentée de façon talentueuse en France par le Pr Olivier Beaud, pense pouvoir concilier des éléments dont on pourrait croire qu'ils sont inconciliables. C'est ainsi qu'Olivier Beaud écrit:15

Le propre de cette théorie du pacte fédératif tient à ce que la création de la Fédération ne fait pas disparaître le caractère d'unité politique aux Etats-membres qui l'ont conclu. Autrement dit, il n'y a pas fusion des unités politiques constituantes dans un ensemble plus vaste, c'est-à-dire pas d'absorption des Etats dans la Fédération. De ce point de vue, cette théorie de la Fédération se démarque du droit commun de la personnalité morale ; en droit privé, la personne collective créée fait écran entre ses fondateurs et ses organes et l'on pourrait dire que ceux-ci se substituent à ceux-là. Au contraire, dans cette conception de droit public de la fédération, les auteurs du pacte, les sujets du pouvoir constituant, continuent à exister.

On voit bien l'intérêt politique d'une telle construction qui ferait s'évanouir, comme par enchantement, toutes les contradictions sur lesquelles les analystes de l'Union européenne buttent: beaucoup plus qu'une organisation internationale, c'est-à-dire une Confédération (avec qui elle partage la création par un traité et le maintien de la souveraineté des Etats membres), moins qu'un Etat fédéral (mais pour combien de temps si des compétences sans cesse plus nombreuses lui sont transférées?) l'Union baptisée Fédération, au sens de Carl Schmitt, pourrait à la fois être aussi puissante et efficace qu'un Etat fédéral tout en maintenant strictement la personnalité et la souveraineté de ses constituants.

Nous avouons être sceptique sur un tel dépassement hégélien des contraires et sur l' apparition d'une synthèse nouvelle. Nous ne voyons pas comment, dans la théorie de l'Etat, on pourrait glisser un «nouvel animal » comportant tous les avantages juridiques et politiques de l'Etat fédéral tout en conservant la souveraineté pleine des « Etats-nations ». Mais nous comprenons très bien que les hommes politiques, soit par croyance sincère soit par calcul, essaient d'acclimater l'idée qu'un tel résultat pourrait être atteint. Si la construction communautaire, si l'Europe, est à ce prix, personnellement, nous l'acquittons volontiers. Et après tout, nous nous sentons trop incertain dans nos analyses « académiques » pour exclure absolument que la synthèse nouvelle défendue par la doctrine que nous venons de résumer soit totalement exclue.

Cependant, et malgré tout, nous tenons à la vieille idée spinoziste que l'essence du cercle est irrémédiablement différente de celle du carré et tertium non datur.


15 O.Beaud (1993:269). Et V. Carl Schmitt, Théorie de la constitution, (« Théorie constitutionnelle de la Fédération »), (1989:507-540). Il serait intéressant de savoir dans quelle mesure J. Fischer (ou ses conseillers) sont influencées par ces idées schimttiennes.

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